Ibiza est une île de contrastes : lumière dorée contre ombres profondes, pierre rugueuse adoucie par des murs blanchis à la chaux. Ce blanc éclatant, couleur de la tradition, du temps lui-même, a façonné l'architecture de l'île pendant des siècles. Le blanc de la peinture traditionnelle d'Ibiza n'est pas une peinture ordinaire. C'est du cal, un badigeon de chaux qui respire avec les murs, se transformant subtilement avec la lumière.
Chaque printemps, les familles rafraîchissaient leurs maisons avec du cal, en superposant de nouvelles couches sur les anciennes - un rituel de renouvellement transmis de génération en génération. La tradition de peindre les maisons avec du cal chaque année n'était pas seulement esthétique, elle était essentielle. Le blanc réfléchit la chaleur, ce qui permet aux maisons de rester fraîches pendant les étés torrides d'Ibiza, une adaptation naturelle bien avant l'arrivée de l'air conditionné. Les Ibiziens ont peint leurs maisons en blanc pendant des centaines d'années avant l'invention de la peinture industrielle moderne, en utilisant un matériau naturel trouvé localement.
Le cal n'était pas seulement un moyen de lutter contre la chaleur. Il agit également comme un désinfectant naturel, empêchant les moisissures et les bactéries de s'installer dans le climat humide de l'île, tout en aidant les murs à absorber et à évacuer l'humidité, réduisant ainsi les fissures au fil du temps.
À Can Frare, nous utilisons encore le cal. Non pas parce que c'est plus facile - ce n'est pas le cas. Pas parce que c'est moins cher - ce n'est pas le cas. Pas parce qu'il dure plus longtemps - ce n'est pas le cas.
Nous utilisons le cal parce qu'il nous semble juste, parce qu'il permet à ce bâtiment historique de respirer et d'évoluer. Contrairement à la peinture moderne, qui emprisonne les murs sous une couche uniforme, cal s'infiltre dans la surface, permettant au caractère du bâtiment d'émerger.
Disséminés sur les collines de Santa Agnès, cachés sous les pins, se trouvent les vestiges du passé calcaire d'Ibiza, aujourd'hui silencieux, mais qui ont jadis fait vivre les villages blanchis à la chaux de l'île.
Ici, les vestiges d'anciens fours à cal - de grands fours circulaires en pierre - racontent l'histoire d'un métier autrefois florissant. Le calcaire était extrait des carrières, empilé à l'intérieur de ces fours et brûlé pendant des jours, le réduisant en une fine poudre pâle. Mélangée à de l'eau, elle se transformait en un lait de chaux qui faisait briller les maisons d'Ibiza.
Aujourd'hui, ces anciennes carrières de charbon sont presque oubliées, à moitié enfouies dans les forêts de pins, leurs feux sont depuis longtemps éteints, leurs cercles de pierre s'estompent dans la terre. Mais si vous vous promenez sur les sentiers côtiers près de Santa Agnès, vous les trouverez encore, comme autant de rappels silencieux d'un métier qui a autrefois façonné toutes les maisons blanchies à la chaux de l'île.
Ces anciens chemins, créés par les ouvriers des fours, valent toujours la peine d'être parcourus. Non seulement pour l'histoire, mais aussi pour leur beauté : des sentiers poussiéreux qui serpentent à travers les forêts, souvent à proximité de la mer scintillante.
Can Frare possède son propre four à charbon, caché au fond de la finca, dans la forêt. Il est toujours là, vestige enfoui du passé, ses murs de pierre brute témoignant de l'immense effort qu'exigeait autrefois le maintien de la blancheur d'Ibiza.
En se tenant à son bord, on se rend compte de l'ampleur du travail à accomplir. Le four, creusé à la main dans la terre, mesure environ quatre mètres de diamètre et quatre mètres de profondeur. Son fonctionnement était un effort collectif, une entreprise massive qui nécessitait des jours de travail rien que pour préparer un seul lot de cal. La fosse était soigneusement empilée avec du calcaire, recouverte de bois, puis mise à feu, brûlant continuellement pendant plusieurs jours.
Le four de Can Frare n'a pas seulement servi à une maison, il a servi à une communauté. Tout comme le moulin à farine, toujours en place aujourd'hui, qui moulait le blé pour les familles voisines, ou le pressoir de Sa Roca qui transformait les olives de la vallée en huile, ce four à charbon a joué son propre rôle dans l'économie d'échange historique d'Ibiza.
La vie dans les campagnes d'Ibiza était profondément interconnectée, les voisins s'appuyant les uns sur les autres pour coopérer.
À Can Frare, l'utilisation du cal est plus qu'une question de tradition. C'est une question de texture, de respirabilité et de sensation de vie dans la maison.
Contrairement aux peintures modernes qui scellent une surface, cal fait partie du mur lui-même - absorbant la lumière, changeant avec le jour, vivant. Le matin, les murs brillent d'un éclat frais. L'après-midi, alors que le soleil d'Ibiza grimpe, ils reflètent la lumière avec une intensité éblouissante, gardant les intérieurs naturellement plus frais. Le soir venu, les murs semblent conserver la dernière chaleur de la journée.
Cal rend la maison douce au toucher, imparfaite dans le meilleur sens du terme. Il n'y a pas deux murs identiques, pas deux coups de pinceau identiques. Une peinture blanche moderne serait froide, dure et uniforme, contrairement à la chaleur de Cal.
C'est peut-être la raison pour laquelle cette grande maison ancienne a toujours été si vivante et si romantique.
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